Théâtre : « La campagne » de Martin Crimp au Théâtre du Rond-Point

Le Théâtre du Rond-Point présente actuellement la Campagne de Martin Crimp. Sylvain Maurice signe une mise en scène efficace sur un texte exigeant retraçant l’atmosphère noire des thrillers. Cette pièce à l’intrigue labyrinthique propulse le spectateur dans un univers où la perversion et la cruauté se jouent des sentiments les plus communs. Ce huis clos à multiples facettes est palpitant d’un bout à l’autre de la pièce.

Polar, cauchemar ou cheminement mental, Martin Crimp nous égare dans un labyrinthe mental où les faux semblants cèdent la place à une réalité plus brutale.

Richard et Corinne, la quarantaine, se sont retirés à la campagne où ils mènent une vie bourgeoise et conventionnelle. Le vide de leur existence les aspire vers une dépersonnalisation notable. Un jour, Richard amène une jeune femme, qu’il a trouvé au bord de la route. Corinne, surprise, tente de comprendre ce geste et qui est cette jeune femme. Les questions qui assaillent Richard sont de l’ordre d’une prosodie qui sont quasiment répétées à chaque fois. Les silences qui lui font face génèrent une frustration qui sous-tend le suspense de l’intrigue. La tension monte et bride par bride, le mystère s’éclaircit démontrant les faux-semblants du couple. L’emprise, ressentie par ces 3 personnages les uns envers les autres, est proprement étouffante.

La richesse de cette pièce à tiroirs ouvre le champ des possibles quant à sa conclusion. L’épilogue proposée, se prêtant à diverses interprétations, souligne la force de la langue et le talent de son auteur à mener le lecteur ou le spectateur exactement où il le souhaite. Soulignons l’excellente prestation d’Isabelle Carré, de Manon Clavel et de Yannick Choirat qui partagent avec nous cette exploration de la noirceur de l’âme.

Laurent Schteiner