Difficile d’échapper à Lars Noren en ce début de saison et on ne va pas s’en plaindre. « Démons » est doublement programmé, au Rond-Point avec les têtes d’affiches Romain Duris et Marina Foïs, et au Théâtre de Belleville dans une version plus expériementale mais tout aussi passionnante. Lorraine de Sagazan propose avec sa variation de placer le spectateur au centre du duel amoureux démoniaque. Bienvenue dans l’arène !
« Antonin : Je te jure une chose : si tu existais, je te tuerais. »
« Démons » met en scène un homme et une femme dans leur appartement, couple en crise ils se déchirent depuis déjà trop longtemps. Pour rompre l’ennui d’une soirée de plus en tête-à -tête ils invitent leurs voisins à partager un moment, les entraînant malgré eux dans une spirale de violence. Lorraine de Sagazan traverse l’œuvre originale de Lars Noren et offre un dispositif plus immersif tout en conservant la névrose et l’hystérie des personnages.
Dans un espace bi-frontal le duo infernal interpelle directement le public, n’hésitant pas à le prendre à parti régulièrement, et à le pousser dans ses retranchements. Le ballet de ces monstres ordinaires prend alors une tournure plus malaisante, à mesure qu’ils s’embourbent de plus en plus dans la détestation de l’autre. Histoire banale, c’est un couple comme tant d’autres, sur le déclin; ou alors c’est tout l’inverse, ils s’aiment passionnément. Finalement c’est difficile à dire, et c’est là tout l’enjeu de cette création, une observation au microscope des rapports humains, une analyse des réactions probables à des stimulis vitriolés. A la différence près que chez Lars Noren les réactions sont démesurées et cette adaptation n’échappera pas à la règle. Lorraine de Sagazan dessine ainsi les contours d’un théâtre laboratoire, une expérimentation de l’horreur amoureuse, véritable jubilé de l’échec. Incontestablement les quatre  acteurs excellent dans cette partition. Antonin Meyer Esquerré et Lucrèce Carmignac, qui nous avaient tous deux séduits dans « Le laboratoire chorégraphique de rupture contemporaine des gens », sont extrêmement à l’aise avec l’improvisation demandée par le dispositif et particulièrement imprégnés de la folie douce de leur personnages respectifs. Leur justesse et leur naturel dans l’interprétation de ces monstres font de cette variation explosive une expérience jubilatoire !
Audrey Jean
« Démons »conception et mise en scène Lorraine de Sagazan
Librement inspiré de la pièce de Lars Noren
Avec Lucrèce Carmignac, Antonin Meyer Esquerré, Jeanne Favre et Benjamin Tholozan
Crédit photos : Pauline Le Goff
Jusqu’au 22 Novembre
Mardi à 21H15
Du mercredi au Samedi à 19H15
Dimanche à 20H30
Théâtre de Belleville