Théâtre : « La nostalgie des blattes » d’après le texte de Pierre Notte

La Manufacture des Abbesses ouvre cette nouvelle saison théâtrale avec un texte puissant de Pierre Notte, La nostalgie des blattes. Avec une plume acérée, et un brin acide, il explore dans un huis clos drôle et touchant  la question du vieillissement dans notre société. Disséquant les réponses sociétales apportées à cet inévitable aspect de l’existence, Pierre Notte nous livre un portrait au vitriol d’une société recroquevillée sur elle-même. 

Deux septuagénaires, assises côte à côte, se retrouvent à deviser de tout et de rien. Ces deux vieilles prêtent, semble-t-il, à l’ultime voyage se prêtent à décrire un monde qui ne leur correspond plus. Un univers où la superficialité règne avec sa cohorte de bistouri, de botox, de collagène, simples miroirs aux alouettes d’une société en mal de vieillir, et pour qui l’échéance finale constitue une hérésie. Soudain leur narration se fige car la brigade sanitaire n’est pas loin. Elle rôde cherchant de nouvelles proies pour l’accomplissement de son oeuvre. Réfutant toute pudeur, Pierre Notte nous entraine sur un versant où elle ne peut tenir lieu d’échappatoire. Il le fait avec finesse où la drôlerie l’emporte sur le drame qui parfois frappe la dignité. Autant en rire plutôt que s’effondrer.  Ces deux femmes au caractère antagoniste partagent leurs souvenirs avérés ou non dans les brumes de leur mémoire qui s’efface au fur et à mesure. Vieillir impose l’acceptation d’une transformation que la majorité rejette avec force. Un parti pris intéressant pour une société de consommation avide de nouveaux marchés (le sans-gluten, le sans-sucre…).

Les deux comédiennes, dans ce huis clos, exhalent la drôlerie et l’émotion qu’elles nous renvoient en pleine figure. Elles font montre d’une très jolie performance dans cette composition finement ciselée de Pierre Notte. Admettre que la vieillesse est un trophée permet d’assumer les marques du temps en prônant le présent au lieu de vivre dans le passé.

Laurent Schteiner