Eric-Emmanuel Schmitt a choisi de présenter au Théâtre Rive Gauche un spectacle de grande qualité représentant l’une des figures la plus emblématique du XXe siècle : Albert Einstein. Steve Suissa mettant en scène Francis Huster et Jean-Claude Dreyfus nous dévoile une face cachée du célèbre savant. Levant le voile sur le formidable cas de conscience d’Einstein, Steve Suissa à travers une mise en scène totalement maîtrisée, nous livre un jeu de comédiens éblouissant.
Eric-Emmanuel Schmitt, en imaginant la rencontre entre Einstein et un vagabond, entreprend de nous raconter l’extraordinaire cas de conscience qui anima l’inventeur de la bombe A. En 1934, Einstein, ayant pris l’habitude de faire de la voile sur un étang rencontre un vagabond, un peu bourru et en apparence simpliste. Les échanges et les rencontres se succèdent. Les incompréhensions également. De l’un, on apprendra son amour du pacifisme et de l’autre sa croyance absolue de défendre la patrie par les armes. Un vagabond qui a payé le prix fort sacrifiant son fils sur l’autel de la liberté en ce début de siècle. Ce débat d’idées qui anime les deux hommes prend un tour idéologique. Les idéaux ainsi marqués créent une amitié et une proximité qui rapprochent ces deux solitudes que tout sépare.
La guerre s’installe avec son cortège d’horreurs qu’Einstein saisit à travers une correspondance nourrie réclamant son aide. Il ne peut rester indifférent ressentant également la précarité de sa situation aux Etats-Unis. Son empathie totale le pousse à réviser sa conception humaniste des conflits. Le temps n’est plus au prosélytisme. Les nazis sont en passe de se doter de l’arme nucléaire. Dans un écrit adressé à Roosevelt, il lui enjoint d’utiliser à son tour ces moyens afin de gagner la guerre. Ce revirement d’Einstein est symptomatique d’une crise de conscience qui va le ronger jusqu’à la fin. D’abord lettre morte sous la présidence Roosevelt, sa demande trouvera un écho favorable chez Truman. Loin de réaliser une démonstration de force dans le désert comme l’imaginait Einstein, Truman bombardera par deux fois le Japon. Ressentant le poids de sa culpabilité face à l’horreur qu’il estime avoir déclenchée, Einstein s’enfoncera dans le désespoir. Une trahison de ses idéaux et celle des politiques auront raison de sa foi en l’humanité.
La mise en scène de Steve Suissa nous propose des personnages antinomiques que l’amour de l’humanité va rapprocher avec le temps et les événements. Steve Suissa retrace avec précision une époque compliquée mettant en évidence le problème des réfugiés et la montée du Maccarthysme. Toute une page d’histoire défile sous nos yeux servie par deux grands comédiens qui se donnent la réplique. Francis Huster, incarne Einstein avec retenue, finesse avec la somme de ses blessures qui ne se refermeront jamais. Jean-Claude Dreyfus joue un personnage bourru et simpliste en apparence mais dont le jeu rempli d’émotion nous bouleverse. Ce spectacle complet à tout niveau s’avère être un régal !
Laurent Schteiner
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La trahison d’Einstein d’Eric-Emmanuel Schmitt
Mise en scène de Steve Suissa
Avec Francis Huster, Jean-Claude Dreyfus et Dan Herzberg,
Scénographie (décors) : Stéfanie Jarre,
Lumières : Jacques Rouveyrollis
Costumes : Pascale Bordet,
Musique : Maxime Richelme
Vidéo : Antoine Manichon,
Assistant mise en scène : Stéphane Froeliger
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Théâtre Rive Gauche
6, rue de la Gaîté 75014 Paris
Tél : 01 43 35 32 31
 www.theatre-rive-gauche.com
Du mardi au jeudi à 21h,
Le vendredi et le samedi à 19h,
Matinées samedi à 15h et dimanche à 17h.