Théâtre : « Le Fossé » de Jean-Baptiste Barbuscia

La Compagnie Serge Barbuscia nous a récemment proposé un objet théâtral protéiforme, Le Fossé, écrit par Jean-Baptiste Barbuscia. Ce spectacle à la frontière de l’absurde s’empare de questions philosophiques relatives aux problématiques actuelles qui secouent notre société en matière d’environnement. Cette pièce, aux multiples degrés de compréhension, interroge un monde malade qui possède en lui-même les germes de sa propre destruction. 

Dans un espace-temps indéterminé, trois protagonistes, Pierre, Amel et Mousse se retrouvent autour d’un fossé. Le creuser ou le combler ? Chaque intervenant propose sa solution. Sa propre logique. Dans une société où le fossé s’agrandit, où les communautés se forment en se repliant sur elles-mêmes quitte à créer des communautarismes, la solution consiste-t-elle à creuser ou à reboucher ce trou ? Les appellations « tranchée ou sillon » ne sont pas anodines. Elles traduisent la pente dangereuse sur laquelle l’homme s’est engagée. Mais au fond, creuser ou reboucher, où se trouve la vérité ? Ou est le sens ? Dans ce monde où il fait de plus en plus chaud, la question du climat se pose avec acuité. Acculé, l’homme attend un signe céleste pour s’en sortir, un messie qui n’existe pas. Les clins d’oeil à Beckett soulignent cette attente où l’homme dépassé par ses propres méfaits à l’encontre de la nature s’en remet à une voix divine susceptible de le sauver. Cette pièce, bâtie sur un humour potache où les citations qui fusent, toutes issues de la littérature, du théâtre, de la chanson ou encore du cinéma, soulignent l’absurdité de cette vie où tout sens semble perdu.  La mise en scène de Serge Barbuscia traduit cet univers particulier qui est le nôtre avec un mur de certitudes qui avance ou qui recule au gré de nos interrogations. Les comédiens jouent une jolie partition dans cette pièce singulière que l’on retrouvera lors du prochain Festival d’Avignon.

Laurent Schteiner