Théâtre : « Les liaisons dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos

La Comédie des Champs Elysées nous présente actuellement Les liaisons dangereuses d’après Pierre Choderlos de Laclos. De ce roman épistolaire publié en 1782, Arnaud Denis en a tiré la quintessence dans une mise en scène brillante et efficace qu’il mène de bout en bout avec éclat. L’interprétation époustouflante des comédiens complète le tableau d’un spectacle dont la modernité de certains thèmes ne se dément pas. 

Le libertinage est paru au siècle des lumières traduisant l’oisiveté d’une aristocratie livrée à la vacuité de sa caste. A ce titre Arnaud Denis a réussi à donner au public cette fascination qu’exercent Merteuil et Valmont. Monstres d’ingéniosité, ils mettent en pratique les ressorts de la manipulation et du chantage pour parvenir à leurs fins. Dans un décorum classique avec des costumes d’époque, Arnaud Denis apporte davantage de véracité au propos en contextualisant ainsi cette histoire.

Une histoire qui peut se résumer ainsi. Merteuil et Valmont, amants par le passé sont devenus amis et passés maîtres dans la fourberie et la manipulation consistant à séduire par pur défi. Ainsi pour se venger, la marquise de Merteuil demande au vicomte de Valmont, son ancien amant, complice et ami, de déniaiser sa cousine Cécile Volanges avant sa noce avec le comte de Gercourt. De manière amicale, le vicomte refuse en lui affirmant qu’il a un défi d’une tout autre ampleur à relever. C’est de séduire la présidente de Tourvel, une belle femme pieuse et fidèle, temporairement éloignée de son époux.

Mais ce roman reposant sur la vengeance traduit cette volonté de puissance et de pouvoir à travers le désir. Ce désir qui fait et défait les réputations si vives pour l’époque. On saisit tout le machiavélisme attaché à cette funeste machination. D’autant que les objets de séductions tirent vers une pureté et une ingénuité quasi divines marquant d’autant plus la férocité de leurs actes. Mais au-delà de cette propension à la domination, ce qui se joue en filigrane et non avoué est l’amour, le grand oublié de cette histoire. Celui qui, tapi dans l’ombre, guide toute cette machination abominable.

Ce spectacle résonne par sa modernité mettant en jeu le consentement de la femme et l’égalité de l’homme et de la femme dans une société patriarcale. On en ressent toujours l’acuité de ces thèmes qui deviennent désormais incontournables dans notre société actuelle.

Enfin, il convient de souligner la merveilleuse interprétation de ces comédiens qui ont enlevé ce spectacle comme jamais. Emmené par ce duo formidable composé de Delphine Depardieu et de Valentin de Carbonnières, Salomé Villiers et Marjorie Dubus impriment des rôles d’une innocence quasi christique. Michèle André, Pierre Devaux et Guillaume de Saint Sernin apportent de bien jolie façon leur pierre à l’édifice. Ce spectacle alerte où les quelques échanges épistolaires lus ne créent point de ruptures dans le rythme. Bien au contraire, ils en fluidifient le contenu. L’adaptation et la mise en scène parfaites d’Arnaud Denis assurent un spectacle d’une grande qualité. Longue vie à ces liaisons dangereuses rouges sang !

Laurent Schteiner