Théâtre : « L’île des esclaves » de Marivaux

La vertu philosophique de ce conte de Marivaux se signale comme le souligne Stephen Szekely par un jeu de miroirs réjouissants. Le naufrage d’un navire jette maîtres et valets sur l’île des esclaves, non loin d’Athènes. Cette île singulière a la particularité de donner le pouvoir aux valets et autres serviteurs en asservissant les maitres. Ce retour de bâton consacre la base du concept philosophique de Marivaux. Il pose un principe et entreprend de dérouler son raisonnement jusqu’au bout. Peu importe les conséquences ! Il observe tel un chimiste les lois de cette nouvelle utopie ! Trivelin, en hôte truculent de cette île, entreprend de dévoiler ses règles singulières. N’en déplaise à Iphicrate le maître de Arlequin, il deviendra son serviteur. De même, Euphrosine concédera son pouvoir à Cléantis. La force de Marivaux est d’exagérer ce mouvement à l’extrême. De sorte qu’Arlequin et Cleantis disposant de ce nouveau pouvoir en abusent outrancièrement. En inversant les rôles, Marivaux casse les codes sociétaux et se plait à imaginer quelles en seraient les conséquences.

Saluons les interprétations truculentes de Laurent Cazanave (Trivelin) en maitre de cérémonie, de Lyse Moyroud (Cléantis) et de Barthélemy Guillemard (Arlequin) et la belle sobriété de Marie Lonjaret et de Lucas Lecointe. Outre le rythme alerte de la pièce, soulignons le joli brin de voix de Marie Lonjaret, les respirations musicales de Laurent Cazanave au Ukulélé et les chorégraphies endiablées qui enjolivent cette belle pièce.
Stephen Szekely a réussi son pari de revisiter ce parcours initiatique de Marivaux appelant aux questionnements des consciences. Et chacun sait combien est salutaire ce type d’introspection…

Laurent Schteiner