Wajdi Mouawad a signé un spectacle que l’on peut qualifier pour le moins d’autobiographique, Notre innocence qui se donne actuellement au Théâtre de la Colline. Ce spectacle fort en émotions constitue un brulot que les jeunes générations jettent à la face de leurs ainés afin de trouver leur place dans notre société. Ce spectacle nous interpelle avec force sur un sujet on ne plus délicat et complexe.
En 2015, Wajdi Mouawad a créé un atelier de recherche, intitulé Défenestration avec des élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique de Paris. Ce groupe s’est trouvé traumatisé par deux évènements extrêmement violents : les événements du 13 novembre et le suicide d’une des élèves, Victoire. La jeunesse se voyait ainsi fauchée et touchée de plein fouet. Ce groupe a vécu une troublante mise en abime.
Si Notre innocence donne la parole à cette jeunesse, ce spectacle s’inscrit dans un refus de cette mort en prodiguant une nécessaire résilience, un élan de vie. Wajdi Mouawad a pris soin découper son Å“uvre en 4 parties : la chair, le corps, l’esprit et la vie. Chaque étape rappelle  un jalon essentiel de notre vie. Sous forme d’une voix unique et chorale, ce groupe réuni devant nous dénonce avec force le poids de l’héritage que les ainés leur font peser. Tous dénoncent ces valeurs qui les broient, les laminent, les dévorent jusqu’à la dépersonnalisation. Que leur reste-t-il ? Que peuvent-ils espérer ? Ils demeurent hébétés devant les questions que la société leur pose. Ils ne savent pas. Et cette absence de réponse, ils la revendiquent et la clame avec violence. Elle se matérialise à travers une danse frénétique vécue comme un exorcisme à cette mort inexpliquée, voire un exutoire nécessaire.
Réunis en attendant les suites de l’enquête, les étudiants dévastés se déchirent en se rejetant mutuellement les éventuelles fautes commises auprès de Victoire. Comment expliquez l’inexplicable ? Entre fantasme, réalité et mensonge, où se situe la vérité ? Comment exister malgré ce malheur face à  une réalité qui dévore la jeunesse ? Et si justement la force de vivre s’incarnait dans une croyance commune, dans un fantasme fondateur et rassembleur par-delà les lois de la réalité ?
Wajdi Mouawad explore la difficulté qu’auront les jeunes générations à léguer aux générations suivantes les fruits d’un monde si peu appréhendable. Ce spectacle hors-normes renferme une source considérable de questionnements sur nous-mêmes mettant en cause notre propre fonctionnement. Enfin, tirons un coup de chapeau à ces jeunes comédiens qui réalisent une très belle performance. Wajdi Mouawad signe là une Å“uvre dont la trame humaniste renvoie aux qualités intrinsèques de ce grand dramaturge.
« Je m’en fous de la langue et comprenne qui pourra et si mes mots ne sont pas assez forts pour vous faire entendre le chaos qu’il y a à l’intérieur, ce chaos-là je vous le jette à la gueule, ce chaos-là je vais vous le hurler ! »
Laurent Schteiner
« Notre innocence » de Wajdi MOUAWAD
Mise en scène de Wajdi MOUAWAD
avec Emmanuel BESNAULT, Maxence BOD, Mohamed BOUADLA, Sarah BRANNENS, Théodora BREUX, HAyet DARWICH, Lucie DIGOUT, Jade FORTNIEAU, Julie JULIEN, Maxime LE GAC*OLANIE, Etienne LOU, Hatice ÖZER, Lisa PERRIO, Simon REMBADO, Charles SEGARD-NOIRCLERE, Paul TOUCANG, Mounia ZAHZAM, Yuriy ZAVALNYOUK et Inès COMBIER, Céleste SEGARD et Aimée MOUAWAD avec la voix de Darya SHEIZAF
- Assistanat à la mise en scène : Vanessa BONNET
- musique originale : Pascal SANGLA
- Scénographie : Clémentine DERCQ
- Costumes : Isabelle FLOSI
- Son : Emile BERNARD, Sylvère CATON
- Vidéo : Julien NESME
- construction du décor : Ateliers de la Colline – Théâtre National
- Chef constructeur : Didier KUHN
- Constructeurs : Charlotte COLLET, Mickaël FRANKI, Pascal LEMORE, Grégoire de LORGERIL, Yannick LOYZANCE et Takumi NARYOSHI
- Régie : Laurie BARRERE
- régie son : Laurent COURTAUD
- Régie vidéo : Igor MINOSA
- Régie Lumières : Gilles THOMAIN et Stéphane TOUCHE
- technicien lumières : Pascal LEVESQUE
- machinistes : Thomas JOURDEN et Maude DELEGLISE
- habilleuse : Mélanie JOUDIOU
- Accessoiristes : Anouche SIKARCIYAN
Théâtre national de la Colline
15 rue Malte-Brun
75020Â Paris
tel : 01 44 62 52 52
www.colline.fr
jusqu’au 14 avril 2018 du mercredi au samedi à 20h30, le mardi à 19h30 et le dimanche à 15h30