Théâtre : « Riveraines » de la Compagnie Mi-fugue Mi-raison
Après le succès de Speculum qui illustrait les maltraitances gynécologiques, la Compagnie Mi-fugue Mi-raison poursuit son travail introspectif et cette fois, à travers les formes d’exclusion dont sont victimes les femmes migrantes et enceintes vivant dans nos rues dans des conditions extrêmes voire inhumaines. Elles sont nos riveraines déclassées et en grande détresse par une société recroquevillée sur elle-même et empêtrée dans un système administratif kafkaïen. Riveraines est un spectacle, actuellement au théâtre de La Reine Blanche, qui consacre une conférence sur scène sous forme d’un panorama édifiant et effrayant de l’état de ces femmes qui ont vécu l’enfer pour venir sur notre sol où l’accueil et l’hospitalité ne sont malheureusement que des mots.Â
Sollicitée par Clélia Gasquet-Blanchard, coordinatrice de SOLIPAM (Solidarité Paris Maman), la structure associative Mi-fugue Mi-raison a élaboré un partenariat visant à élaborer un projet de démultiplication de ses actions. Après une investigation de 20 mois auprès de SOLIPAM, Mi-fugue Mi-raison a conçu un projet théâtral afin de dérouler les difficultés rencontrées par l’association SOLIPAM dans l’aide apportée à ces femmes migrantes en grande détresse.
Conçu comme une conférence, ce spectacle met en valeur les difficultés kafkaïennes et dysfonctionnements de tous ordres auxquels se heurtent les membres de SOLIPAM et notamment dans les suivis en pré-natal et post-natal des femmes migrantes vivant dans la précarité. Dans une objectivité crue et glaçante, la parole explose sous forme d’instantanés, dans un tourbillon où l’impuissance saisit les plus hardies, les laissant éreintées et frustrées devant un manque de moyens patent et un désintérêt général où l’humanité s’efface peu à peu. Les situations dramatiques s’accumulent et SOLIPAM se voit submergée par les demandes qui mettent en lumière des situations dramatiques et hors de contrôle. Tout y décrit : les réunions de staff, les fiches-navette, les différents niveaux de prises en charge, le bricolage, le ras-le-bol quotidien, les exemples situationnels de femmes ayant braver tous les dangers (d’esclaves sexuels au viol pour gagner enfin une terre supposée d’accueil !)… De facto, le public se trouve au coeur même de SOLIPAM et découvre un envers du décor qui fait froid dans le dos.
Cette conférence à la fois interactive et immersive suscite parfois le rire, un rire jaune tellement la situation est indicible. Ce travail colossal réalisé par Mi-fugue Mi-raison traduit son engagement militant en faveur des femmes en grande détresse. La force évidente de ce spectacle réside dans sa restitution théâtralisée. A ce titre, trois comédiennes sur scène accompagnée de Gerda De Lépine ce soir-là , assistante sociale coordinatrice de SOLIPAM réalisent une performance bluffante en s’emparant d’un sujet tabou dans notre société. Didactique, éclairant, émouvant et décalé, ce spectacle constitue un cri d’alarme salutaire face à ce drame sociétal. On ne peut que saluer ce formidable travail accompli par Mi-fugue Mi raison.
Laurent Schteiner
« RIVERAINES » de la Compagni Mi-fugue Mi-raison
Jeu : Flore Grimaud, Delphine Biard (en alternance avec Cécile Martin), Caroline Sahuquet et Gerda De Lépine (en alternance avec Clélia Gasquet-Blanchard)
- Conception musique : Mia Delmaë
- Conception lumières : Teddy Voyes
- Crédit Photos : Aurore Lagache
Théâtre de la Reine Blanche
2 bis impasse Ruelle
75018 Paris
Tel 01 40 05 06 96
www.reineblanche.com