Théâtre : « Salle des fêtes » de Baptiste Amann au Théâtre Ouvert

Après les Territoires – trilogie, Baptiste Amann nous revient au Théâtre ouvert avec une belle création, Salle des fêtes. On ne peut qu’être séduit que par la puissance de son oeuvre où l’intime tisse des liens précieux avec le bien commun dans un cadre politique et social, voire écologique bien établi. La force et la richesse de son propos nous poussent à la réflexion en nous interrogeant notre propre psyché. 

Nous transportons tous avec nous une malle remplie de drames depuis fort longtemps. Ces souvenirs douloureux bringuebalés ont parfois la couleur de la culpabilité. A travers cette fable des temps modernes, Baptiste Amann a créé un cadre dans un petit village, microcosme rural qui présente une galerie de portraits saisissants traduisant ce poids qui pèse sur la réalité. Entre les fantômes du passé et la réalité, chacun des personnages louvoie comme il le peut. Mais jusqu’à quel point ?

Marion, son frère et Suzanne décident de racheter une ancienne usine désaffectée pour la rénover et s’y installer. Très rapidement, ils vont découvrir que cet achat comporte un enjeu politique, social et environnemental. Loin de se douter de la complexité à laquelle ils doivent faire face désormais, ils doivent revoir tous à la baisse leur ambition, poussés dans leur dernier retranchement. Le personnage principal de cette oeuvre demeure cette salle de fête où les principaux personnages s’y retrouvent. Point de rencontre incontournable, ils assurent un rapport chaleureux et solidaire entre tous.

Mais il arrive que la réalité se heurte de plein fouet aux drames personnels (psychologiques, familiaux ou social) qui les affectent en sourdine depuis un temps reculé et mis sous l’éteignoir. Marion est écrivaine et a récemment publié un ouvrage sur la vie de son frère Samuel, maniaco-dépressif et suicidaire. Elle suit sa compagne Suzanne dans ce projet de rachat. Ils découvrent un monde rural aux personnalités fracturées par la vie. Dans cette dimension, leurs cicatrices continuant de suppurer. A la façon des 4 saisons de Vivaldi, cette existence, telle une ritournelle sans fin avec ses hauts et ses bas compromet l’avenir. Samuel, en ne préférant pas affronter la vie, s’oblige à l’envisager par ses à-côtés. Et même vivre requiert pour lui davantage d’exigence qu’une fin rapide. Chacun des personnages dans cet espace temps va murir et évoluer en affrontant sa culpabilité qui le tenaille depuis des lustres sciant les barreaux qui les emmurent.  A nouveau « libres dans leur tête », ils pourront envisager la vie autrement en mettant bon ordre dans cette malle aux reliques issues d’un passé douloureux.

On ne peut que saluer cette création toute en finesse et la très belle mise en scène enlevée per tous les comédiens tous excellents. Rendons hommage au talent de Baptiste Amann qui a su nouer l’intime au cadre politique et social de notre société.

Laurent Schteiner