Théâtre : « Un incident » de Vincent Farasse au Théâtre de la Reine Blanche

Le Théâtre de la Reine Blanche présente actuellement Un incident de Vincent Farasse, édité chez Actes Sud-Papiers. Cette pièce en deux temps nous entraine dans les arcanes d’une dystopie. Ingénieusement écrite, cette fable où la réalité effrayante rattrape la fiction tant la transposition avec un passé récent s’avère prégnante et encore vivace dans nos esprits. 

Un homme sur un banc nous parle. Travaillant depuis 31 ans dans la même entreprise, cet homme se voit transférer soudainement des services techniques au service commercial. Imaginant une forme de promotion, il envisage l’avenir avec enthousiasme. Il dispose d’un petit bureau où il attend patiemment qu’on lui donne du travail. Son manager est formidable, gérant tout de main de maitre. Soudain, son quotidien se dérègle peu à peu pour se déliter totalement. C’est l’incident. Son chat a un comportement troublant. De plus, il parle ! Puis, il doit faire face à l’apparition perturbante et inexpliquable de taches rouges dans son environnement professionnel…

Dans cette première partie, le texte astucieusement écrit par Vincent Farasse renvoie à l’oeuvre de Murakami dans un univers très kafkaïen. Le protagoniste principal escamote la réalité en la travestissant. De sorte que l’optimisme à tout crin est toujours de mise. L’étrange et l’irréel se conjuguent en révélant une atmosphère très particulière.

L’homme s’efface pour laisser la place à une femme experte en épanouissement personnel. Elle attend son fils qui n’arrive pas. Témoin d’événements extraordinaires, elle dévoile au fur à mesure le mal qui frappe notre société et l’Europe toute entière. Une société répondant tant bien que mal à une pandémie avec un cortège de règles juridiques quelque peu répressives. Le rapprochement avec un passé récent est criant de vérité. Les mesures prises pour enrayer le mal ont des relents de déjà-vu. Cette deuxième partie éclairante s’annonce comme un véritable coup de théâtre qui enlève cette fable avec panache. Cette mise au point est terrifiante de réalité. Sa transposition avec La Peste de Camus est également flagrante. Saluons les magnifiques prestations de ces deux comédiens qui nous font vivre cette expérience théâtrale. Mais est-ce vraiment une expérience ?

Laurent Schteiner