Théâtre : « Vive » de Joséphine Chaffin

Dans un dispositif quadrifrontal rappelant l’enceinte d’un tribunal, qu’Anaïs, une jeune femme, attaque son père, coupable dans son jeune âge d’abus sexuels. Avec des accents cinématographiques, la narration traduit le calvaire d’Anaïs, entrecoupée par des scènes de prétoire. Les témoins qui sont produits par le procureur éclairent son père sous un jour nouveau. Chef de renom dans son restaurant, il donne à sa fille le goût de son métier. Puis, un jour, tout bascule, une main s’égare, un geste ignoble qui va bouleverser la vie d’Anaïs en la précipitant dans un enfer permanent. Les témoins apportent leur écot par leurs témoignages. Fruit d’un travail documenté et introspectif, Joséphine Chaffin, précise les contours psychologiques de l’inceste. Une enfant violentée peut survivre en s’enfermant dans le silence. Une boîte noire où les souvenirs traumatiques sont enfermés. Cette amnésie temporaire assure une survie de la victime après la sidération qui suivent ces gestes monstrueux. Comment analyser ce fait sociétal qui perdure depuis des lustres sans désigner le patriarcat, une survivance des sociétés obscures ? La choralité de ce spectacle souligne le poids des mots et bien entendu le choc des consciences. Le dispositif scénique consacre par son immersion une puissance singulière. L’agrément d’un univers sonore et musicale à la saveur rock-électro apporte un souffle à cette fable tellement réelle.

Ce spectacle, brillamment ficelé par Joséphine Chaffin et Clément Carabédian, constitue un ensemble, un outil pédagogique essentiel qui analyse avec une précision d’orfèvre l’enchainement infernal des actions conduisant au silence. Une fois rompu, il le sera dans la douleur en permettant à la victime d’opérer sa chrysalide pour vivre enfin. De facto la parole prend alors toute sa force. Saluons ces 4 comédiens pour leur performance à traduire sur scène ce magnifique et salutaire texte de Joséphine Chaffin.

Laurent Schteiner.